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Démarrer à partir de l'intérieur des communautés

Rapport annuel 2021

Le Mot de l’Equipe

En 2021, au Kenya, l’attention d’I&S s’est portée sur la mise en œuvre d’un vaste projet de solarisation d’équipements agricoles, et sur l’implantation de 2 nouveaux programmes de long terme: le programme REVITALIZE menant des actions entre urgence et développement au Nord Kenya, et le programme N’GAISSI 2.0/ORIGINS en Terre Massai, axé sur des objectifs éducatifs, culturels, économiques et écologiques.

Cette année, la sécheresse a frappé la région d’Amboseli, mais grâce à la diversification des activités génératrices de revenus mises en œuvre depuis 10 ans (Programme N’GAISSI 2004-2020), la communauté n’a pas eu besoin d’aide d’urgence.
A Satao Elerai, la population est parvenue à maintenir ses cheptels en vie grâce à la pérennisation de la filière de fourrage financée en 2015 par la Direction de la Coopération Internationale de Monaco.

Au Nord Kenya, la zone de Sololo, intégrée au programme RESILIENCE (2015-2020) a eu accès à de l’eau potable au pic de la sécheresse sans intervention de notre part.

Grâce au soutien du Gouvernement de Monaco, de l’ONG Children & Future, du Groupe Fondation EDF et de quelques donateurs privés, I&S a tenu ses objectifs.

Respectueux de nos donateurs privés, déjà sur-sollicités, nous avons fait le choix de ne leur demander aucune aide financière cette année, car nous sommes parvenus à gérer les activités déjà financées sans besoins additionnels en réduisant au maximum les coûts logistiques.

D’autre part, 2021 a été une année de réflexions autour du montage des nouveaux programmes REVITALIZE et ORIGINS afin d’affiner la conception des projets à venir et d’y intégrer des actions en lien avec le respect du Vivant, soit-il humain, animal ou végétal. Cette phase a nécessité la réalisation de petites actions permettant de tester l’efficacité de l’aide et la viabilité des activités futures.

Cette étape est toujours menacée par l’échec fût-il provisoire, transitoire et contingent. Pendant ces périodes, I&S ne sollicite pas ses donateurs et agit sur fonds propres.

En octobre 2021, les perspectives d’intégration systématique des valeurs humanistes d’éthique du Vivant se sont confirmées, avec une adhésion profonde des communautés et des autorités locales.

L’année se termine sur la situation de sécheresse dramatique au nord du Kenya. La population pastorale de l’aride Comté de Marsabit fait face, une fois de plus, à la perte de ses troupeaux, à une insécurité alimentaire aiguë et à un besoin urgent d’aide alimentaire. La zone du Désert de Chalbi, exclue de l’aide nationale et internationale, est le théâtre de grandes souffrances.

I&S se prépare à aider ces communautés démunies dans l’urgence.

Depuis 2004, I&S alerte au sujet du changement climatique, et de la vulnérabilité croissante des populations Kenyanes dépendantes des ressources écosystémiques.

17 ans plus tard, les manifestations du dérèglement du climat ont provoqué des chocs successifs et les sécheresses suivies d’inondations se sont enchaînées.

Les niveaux records d’émissions mondiales de gaz à effet de serre et la déforestation agressive continuent d’engager le monde sur la voie d’un réchauffement inacceptable, avec de graves conséquences immédiates pour les populations des zones arides d’Afrique de l’Est.

En Europe, les vagues de chaleur extrême, les sécheresses, les inondations se multiplient ces dernières années, forçant les habitants des pays du nord à se rendre à l’évidence : les réalités biologiques de l’état du monde se détériorent.

Les pays émergents portent les premiers sur leurs épaules les conséquences de cet effondrement. Au Kenya, les chocs climatiques s’aggravent, plus intenses, plus longs, plus violents, bien plus meurtriers.

Mais pour la majorité des habitants des pays riches, ces situations étaient lointaines, et ne menaçaient pas leur bien-être immédiat.

Alors, rien ne s’est réellement passé alors que l’humanité observait les prémices du plus grand défi de son histoire.

Officiellement, 44 pays sont déjà en stress hydrique fort ou extrême, et on estime que dans quelques années 25% de la population humaine manquera d’eau.

La fonte des glaces entrainera vraisemblablement la libération de 800 000 tonnes de mercure, qui se trouveront déversés dans une eau jusqu’à présent potable.

En une journée, 8 milliards de tonnes de glace fondaient cet été au Groenland. Pendant ce temps, la Russie mettait au point la première centrale nucléaire flottante pour fournir l’énergie nécessaire aux plateformes d’extraction pétrolière et gazière afin de forer encore plus profondément en Arctique.Une méta-analyse réalisée sur 13 000 articles publiés de la biologie de la conservation dénonce une conclusion sans appel : la vie est en chute libre dans à peu près tous les secteurs.

Nous faisons face à une extinction massive, plutôt une extermination car la cause est connue.

400 millions d’oiseaux ont disparu en Europe, 60% des populations des animaux sauvages se sont éteints, 80% des insectes volants ont disparu, les grandes espèces des poissons d’eau douce ont décliné de 88%.

1 million d’espèces est menacé à court terme. A l’échelle globale, la pollution tue trois fois plus que le sida, mille milliards d’animaux marins sont tués chaque année dans des conditions abominables et les navires de pêche industriels parcourent l’équivalent de 35 000 fois le diamètre de la terre chaque année en rejetant au passage entre 0,6 et 1,5 gigatonne d’émissions de CO2 par an.

L’ONU, pourtant si mesurée, dit que nous sommes dans une situation de menace existentielle directe et estime entre 200 et 600 millions de réfugiés climatiques à l’échelle de 30 ans.

Les êtres humains représentent 0,01% des vivants, mais sont à l’origine de 85% des morts depuis le début de la civilisation.

Les conditions climatiques extrêmes ont multiplié la vulnérabilité des populations pauvres d’Afrique. Elles ont exacerbé les problèmes existants, notamment les conflits, et ont aggravé les fractures sociales.

Ces difficultés s’associent aux graves conséquences économiques dues à la pandémie de COVID-19.

Au Kenya, près d’une entreprise familiale sur trois a fermé ses portes, les pertes d’emploi sont massives et plus de la moitié des ménages a manqué de nourriture.

D’année en année, les richesses naturelles s’amenuisent dans les zones arides et semi-arides du Kenya, mettant en danger la vie humaine, animale et végétale.

Pendant 18 ans, I&S est parvenu à implanter et pérenniser des programmes de développement et n’a eu qu’épisodiquement recours à l’aide d’urgence.

Mais le slogan d’I&S « against poverty”, n’a plus de réel sens aujourd’hui où la moitié de la population mondiale vit avec moins de 5 dollars par jour, où la pandémie a précipité entre 88 et 115 millions de personnes dans l’extrême pauvreté et où l’on parle de 132 millions de personnes qui pourraient tomber dans la pauvreté d’ici 2030 en raison des multiples effets du climat.

C’est pourquoi le slogan a été changé cette année pour l’expression « entre urgence et développement ».

Les objectifs de viabilité des projets sont menacés par une forme de fin de la terre se dépeuplant de sa vie et par une perte d’humanisme.

Des espaces de vie disparaissent, l’expansionnisme et les activités humaines se poursuivent : les non humains n’ont plus de lieu pour vivre. En conséquence, ils meurent.

En 2022, l’enjeux sera de taille : comment envisager de garder les terres arides et semi-arides habitables ? Comment promouvoir un réel changement en faveur du maintien des interactions entre espèces pour que chaque élément garde sa spécificité au sein de la biodiversité ? Comment aussi redevenir plus solidaires ?

Il s’agira de changer de référentiel de valeurs et de créer de nouvelles normes sociales qui permettront aux individus de développer de nouvelles marques de statut, de prestige, de reconnaissance sociale autour du respect du Vivant. Et de compter sur la contagion des comportements.

La présence de l’acteur humanitaire indépendant est précieuse. Elle devrait néanmoins davantage contribuer à mitiger la mutation du rapport de l’humain envers l’écologie.

Acteur de première ligne des espaces « intermédiaires » et des zones oubliées, I&S a souvent été le grain de sable rebelle en conceptualisant ses programmes autour de la recherche du maintien des interactions positives entre humains, animaux et végétaux.

Plus que jamais, I&S poursuivra son combat pour que subsistent la diversité et la richesse des espèces vivantes peuplant les écosystèmes de ses zones d’intervention, dans le respect de l’équilibre des dynamiques de toutes les formes vitales qui les composent.

L’Équipe de I&S